Capsule XXI. Viatique phénoménologique - Grégori JEAN

PARUTION MARS 2026 - PRÉCOMMANDE OUVERTE

Les 20 août et 5 septembre 1977, les sondes Voyager furent lancées dans le cosmos. Fixées sur la paroi extérieure de chacune d’entre elles se trouve encore un exemplaire du "Voyager Golden Record", disque en cuivre recouvert d’or sur lequel ont été gravés ce que leurs concepteurs nommeront des "murmures de la Terre", introduits par cette déclaration vertigineuse de Jimmy Carter : "C’est un cadeau d’un petit monde lointain, un échantillon de nos sons, de notre science, de nos images, de notre musique, de nos pensées et de nos sentiments. Nous essayons de survivre à notre époque pour pouvoir vivre dans la vôtre. […] Ce disque incarne notre espoir, notre détermination et la pureté de nos intentions, au cœur de ce vaste et fascinant univers".

La philosophie s’est peu intéressée à ces capsules enfouies sous terre ou expédiées vers le étoiles dans le but de sauver d’une inéluctable disparition les fragments matériels ou spirituels que des êtres humains auront jugé à même de témoigner de ce qui aura constitué leur humanité. Pourtant, en posant la question des conditions sous lesquelles de telles représentations pouvaient y être adéquates, leurs concepteurs ne livrent-ils pas aux philosophes un étonnant analogon empirique du questionnement métaphysique qui a peut-être toujours été le leur, et que ce début de XXIe siècle les contraint à affronter explicitement : celui de savoir comment laisser une trace de l’humanité elle-même, en rendant compte au no futur antérieur de ce que nous aurons été dans notre lien indéfectible à la "réalité" ?

Quiconque accepterait de prendre philosophiquement au sérieux une telle tâche se verrait alors embarqué dans une étrange entreprise — celle d’édifier une capsule proprement conceptuelle, et de résoudre par là même un quadruple problème :

1. Déterminer d’abord le type de captivité qui aura manifestement empêché les êtres humains de devenir autre chose que ce qu’ils auront été ;

2. Donner ensuite à éprouver cette captivité d’une manière telle qu’y soit enveloppé l’effondrement de tout avenir et de tout au-delà ;

3. Dégager alors les conditions auxquelles il deviendrait possible de témoigner de ce qu’aura effectivement été l’espèce humaine, sans céder à ce qu’elle se sera fabulée être ;

4. Délivrer enfin le type de salut intrinsèquement compris dans une telle encapsulation.